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MontagezoomGobertLow

Vendredi 17 mars 2017

Lieu : Atelier de la Villa Lenôtre, dans le Potager du Roi.

Ciel grisâtre le matin, contrasté de rayons l'après-midi. Température fraîche, vent présent.


Au fil de mes traversées, je prolonge mes réflexions sur les ensembles architecturaux, paysagers, monumentaux, qui involontairement étouffent, modifient ou renforcent la propagation des (m)ondes sonores, selon leurs emplacements, leurs conformations, leurs dimensions, les matériaux qui les constituent, les surfaces qu'ils présentent, les volumes qu'ils délimitent. Je serpente, navigue, brise, chantourne et allonge fréquemment mes trajectoires, guettant de l'ouïe les lieux sonores singuliers : pour les percevoir avec précision, je dois m'y rendre physiquement, engager chaque fois mon écoute attentive au centre et autour du phénomène.

Depuis le promontoire du jardin des Étangs Gobert justement, surplombant l'une des avenues aux perpectives convergeant vers le lointain château, je ne peux que vérifier encore l'hégémonie habituelle de la dimension visuelle sur toutes les autres dimensions perceptives. Cette préoccupation presque exclusive portée sur le visible, prend une ampleur démesurée dans les lieux de pouvoir et partant, de surveillance: être admiré et admirable de partout, tout autant qu'avoir la puissance et la capacité de scruter profondément.

La nature et la qualité du paysage sonore évoluent considérablement, en même temps que les techniques, les influences culturelles, l'activité, la destination des sols, les densités de population et d'habitat. Ainsi s'ouvre cette artère à perte de vue, écartant sur son passage, en deux murs hiératiques, des millions de tonnes de pierres savamment taillées, et plonge sur un l'un des sommets de l'architecture baroque.

Ce matin, pas moins de cinq composantes sonores différentes, exprimant avec force toute leur modernité notamment mécanique, offrent une succession de nombreux voiles et rideaux aussi transparents à la vue, qu'opaques à l'écoute : le contraste est saisissant et radical, avec le palais en ligne de mire, presque figé depuis le XVIIIème siècle.









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Jeudi 16 mars 2017

Lieu : Atelier de la Villa Lenôtre, dans le Potager du Roi.

Ciel radieux. Température printanière, vent faible.


De brèves explorations sonores tôt le matin, dans le récent jardin des Etangs Gobert m'incitent à y retourner plus tard en approfondir l'étude. Le site, historique, comportait sans doute de nombreuses contraintes de préservation des murs, et partant, des circulations, des perspectives sonores : son agencement résonne de façon bizarrement discordante.

Une rêverie vers la fin de journée m'entraîne vers les serres, qui tintent au soleil. Habituellement, la vision du verre engendre en moi de nombreuses sensations intérieures et simultanées : pensées fugitives et frisson précis en écho à la fragilité et au bris, l'exact et tactile souvenir de la traître douceur des coupures de la pulpe du doigt au fil d'une arête tranchante, et des sonorités cristallines, soit très étirées, notes miroitantes ayant la planéïté et la rigueur du reflet, soit brèves, découpées, démultipliées, éparpillées avec légèreté.

Pourtant, ce soir, d'autres sensations apparaissent. Le soleil tardif pénétrant le dépoli, laisse entrevoir des entités chlorophylliennes, apaisées, vivantes et plaquées aux vitres, vaine tentative d'élucider l'énigmatique paysage extérieur. Elles observent confusément ma silhouette en contre-jour.

L'étrangeté suspendue achève de me dévoiler les vitraux illuminés de ces basiliques tropicales.



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Vitrail I, profondeurs — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved


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Vitrail II, ocres et fumées — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved



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Vitrail III, l'attente — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved








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Mercredi 15 mars 2017

Lieu : Atelier de la Villa Lenôtre, dans le Potager du Roi.

Très légère bruine, ciel blanc, couche de nuages peu épaisse, laissant filtrer par intermittence la lumière du soleil de midi.


Passages difficiles.

Montage d'échaffaudages en zinc, rue Championnet. Les plaques et les barres se heurtent violemment, sans ménagement, je ressens physiquement chacune des attaques métalliques me frapper le tympan.

Quelques mètres plus loin, lent nettoyage journalier des trottoirs récurés au jet haute-pression fourni par un camion compresseur, immédiatement suivi d'un autre, chargé d'aspirer, de récolter les déchets ainsi rassemblés dans le caniveau. Vrombissement de deux petits réacteurs comparables à ceux d'un avion en bout de piste, attendant assez longuement l'autorisation de décollage.

Coups d'avertisseur appuyés et agacés d'un camion transportant de gravats. Cette corne assourdissante est conçue pour prévenir d'un danger immédiat sur un chantier bruyant. Son intensité potentiellement dangereuse est prévue pour être intensément perçue, même au travers d'un casque anti-bruit. Utilisée donc de la même manière, en l'absence de danger, en pleine rue, à un l'approche d'un «passage protégé» où circulent des adultes, mais également les enfants de la crèche, aux oreilles nues, encore délicates.

Je découvre que le décret encadrant l'intensité des avertisseurs sonore nous vient de la défunte communauté économique européenne, et date de mon année de naissance (1972). Je suis ému à l'idée qu'il m'ait accompagné jusqu'à aujourd'hui, et qu'il me survivra, peut-être.

Le métro et le train de Montparnasse paraissent ensuite presque calmes, par comparaison, ce matin. 

Mais l'arrivée est littéralement fracassante : la gare de Versailles-chantiers ne porte que rarement aussi bien son nom.

À moins de deux mètres des dizaines de milliers d'oreilles des voyageurs passant ici chaque jour, les coups portés par l'engin à chenilles, doté d'un marteau perforateur, défoncent tout : bitume, béton, cochlées.  Pas un d'entre eux ne porte de casque anti-bruit, naturellement — pas plus que le conducteur de la machine, ni que les ouvriers alentours, en permanence sur le chantier, d'ailleurs.

Le bras armé d'un pilon massif cesse quelques secondes. Par différence, apparaissent les rauques raclements de pelle en fonte de l'excavatrice baryton, en duo avec la soprano, une charmante meuleuse délivrant au loin son magnifique chant de sirène, déploration poignante en hommage aux oreilles défuntes, se perdant au fond du gouffre, gigantesque désert de sable mis au jour.

Puis, martial et insouciant, le rigoureux défonçage reprend, perforant le paysage de coups de boutoir à haute-fréquence. L'entame sacrificielle du Sacre du Printemps, finalement — mais avec nettement plus d'ampleur, de brio, de luminosité métallique, sur un tempo résolument actuel.



Notes :

Travail en présence d'Alice Stevens.

Temps de discussion avec Pauline Broquin-Lacombe, autour de son mémoire de troisième année : «essai sonographique».




Hitscape — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved




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Sandscape — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved





Pelles, marteau-piqueur, meule, cochlées.  — Vidéo © Arnaud Sallé - All rights reserved





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Mardi 14 mars 2017

Lieu : Atelier de la Villa Lenôtre, dans le Potager du Roi.

Temps ensoleillé, légèrement voilé, entrefilets nuageux, température presque clémente, venteux.


De nombreuses intentions me sont apparue clairement sur le chemin, le matin de ce premier jour sur place. Se libère subitement un flux de pensées et des pousses d'idées solides, probablement retenues et développées depuis novembre dernier, sous un voile d'hivernage qui vient de se lever.

Première installation, il me faut trouver ma place dans les lieux, mettre en place certains outils. Ce sera pour cette semaine table de bois, dos au mur, face à deux fenêtres posant leur regard sur le potager.

Je rassemble de nouvelles idées sur l'écran, et imagine les compte-rendus sur la toile.

Explorations sonores et divagations dans le potager, que je connais pourtant bien, dans un premier esprit de qualification acoustique et systématique de ses espaces.


Notes :

Retrouvailles avec Alice Stevens, ancienne étudiante, et première rencontre avec Marina Cervera Alonso de la Medina, toutes deux également lauréates.

Lecture mémoire de 3ème année en cours, «Essai sonographique» de Pauline Broquin-Lacombe.

Envie de relire «Le promeneur écoutant», de Michel Chion.


Polypropylene landscape — Photo © Arnaud Sallé - All rights reserved





Ondes, plis, gravier.  — Vidéo © Arnaud Sallé - All rights reserved





















© Arnaud Sallé 2017